La plupart des gens qui veulent créer une entreprise en France choisissent le statut de l’entreprise individuelle, souvent parce que c’est facile et peu coûteux. Cette forme sociétale présente cependant le problème de la responsabilité illimitée. Heureusement, l’entrepreneur peut protéger ses biens immobiliers des engagements suscités par cette forme sociétale grâce à la clause d’insaisissabilité.

Un renfort de protection pour la résidence principale de l’entrepreneur

Le régime des responsabilités appliqué aux entreprises individuelles est assez inapproprié au regard du type d’entrepreneur qui entend adopter cette forme sociétale. Pour la sauvegarde des entreprises de ce type, le gouvernement français a créé l’entreprise individuelle à responsabilité limitée. Ce statut légal permet à une entreprise individuelle d’être limitée dans l’étendue de ses responsabilités.

L’adoption de la forme d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) implique d’ailleurs une insaisissabilité de droit du domicile principale de l’entrepreneur individuel. Cela n’écarte pas toutefois la nécessité d’une clause d’insaisissabilité, et ce, pour plusieurs raisons assez légitimes.

La première d’entre elles est relative à la distinction entre les actifs commerciaux et personnels. Cela concerne tout particulièrement les prêts bancaires. Les banques sont toujours en droit d’exiger la fourniture d’une garantie personnelle en contrepartie de l’octroi d’un prêt commercial. Dès lors, si l’entrepreneur individuel ne parvient pas à rembourser un prêt, la banque pourra faire saisir ses biens personnels suivant la procédure habituelle. Des garanties similaires peuvent également être exigées d’un propriétaire pour une location commerciale.

Clause d’insaisissabilité - déclaration

Une entreprise EIRL sans actif à mettre en garantie serait ainsi dans la même situation que toute autre entreprise en France, même si c’est pour la création d’une SARL. Il y a également lieu de s’inquiéter de la faisabilité de ce statut pour ceux qui travaillent à domicile. La nouvelle structure est fondée sur la déclaration des actifs commerciaux, qui sont alors les seuls actifs à risque contre les créanciers. Cependant, si vous travaillez à la maison, il sera difficile de séparer votre entreprise de vos actifs personnels, en particulier s’il n’y a pas de séparation physique solide entre les deux.

Le coût et les formalités de cette nouvelle loi ne sont pas non plus abordables ni faciles à réaliser. Vous devez faire très attention aux formalités dans la déclaration des biens personnels, car toute surévaluation des actifs invaliderait la déclaration et laisserait vos biens personnels sans protection. Vous êtes tenu d’obtenir l’assistance d’un comptable dans le processus de mise en place alors même que de tels services ne vous seront pas fournis gratuitement. Vous devrez aussi engager un notaire pour évaluer les biens immobiliers de l’entreprise et les enregistrer auprès du registre foncier.

Il y a aussi des coûts plus élevés relatifs au fonctionnement d’une entreprise EIRL. Vous devez ouvrir un compte bancaire d’entreprise et soumettre des comptes annuels. Il est impératif de notifier chaque changement de biens personnels annuellement, y compris l’amortissement des actifs.

Ces exigences de divulgation signifient clairement que vous ne serez pas en mesure de maintenir une confidentialité complète sur votre entreprise. Votre historique de négociation ne sera plus secret avec la nécessité de déposer des comptes chaque année.

Vous devez également faire très attention à votre conduite personnelle. Il n’est pas rare qu’un entrepreneur individuel soit coupable de fraudes ou d’un autre manquement grave à ses obligations comptables ou commerciales. Le cas échéant, les créanciers peuvent faire saisir ses biens personnels.

Le gouvernement a déclaré que les travailleurs indépendants existants ont le droit d’adopter cette nouvelle loi. Cependant, cela n’est possible que si leurs créanciers ont été informés du changement. Si ces créanciers entendaient s’y opposer, ils pourraient mener leur contestation devant le tribunal compétent. La décision finale reviendra toutefois au tribunal. L’entreprise EIRL est également privée des avantages fiscaux que les sociétés anonymes peuvent avoir. Notamment, ils ne peuvent pas verser partiellement des dividendes pour réduire le montant des cotisations sociales.

L’entrepreneur individuel n’est pas néanmoins totalement lésé dans son statut. Il peut protéger sa maison contre les créanciers commerciaux en faisant établir une déclaration d’insaisissabilité. Ce processus est effectué par l’intermédiaire d’un notaire. Le coût varie normalement entre 200 € et 500 €, mais peut changer selon les circonstances.

Régime d’applicabilité de base d’une clause de biens insaisissables

C’est dans les articles L. 526-1 à L. 526-5 du Code de commerce français que se trouve la base légale de la clause ou déclaration d’insaisissabilité. Introduite à travers la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, la clause d’insaisissabilité déroge au principe édicté par l’article 2284 du Code civil. Cet article veut notamment que tous les biens d’un débiteur soient engagés dans la perspective du recouvrement de ses créances, qu’importe leur nature.

Or, la déclaration d’insaisissabilité permet à un entrepreneur individuel d’empêcher que certains de ses biens de nature immobilière ne puissent être saisis dans le cadre d’une créance professionnelle. La seule condition est que les biens concernés ne soient pas voués à usage professionnel.

Les dispositions de la loi par rapport à la déclaration d’insaisissabilité sont significativement étendues. Cette mesure s’applique à n’importe quelle personne physique ayant fait l’objet d’une immatriculation dans un registre de publicité légale à vocation professionnelle. Elle concerne également les personnes qui travaillent dans le domaine de l’agriculture ou qui mènent une profession libérale.

La déclaration d’insaisissabilité n’est cependant pas applicable à tous les statuts. Elle ne concerne pas le gérant SARL ou le gérant d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). Elle ne s’applique pas également à un entrepreneur EIRL si ce dernier se prévaut déjà d’un patrimoine d’affectation qui permettait d’établir une protection des biens non assignés à l’usage professionnel.

Champ de mise en œuvre étendue à d’autres biens du patrimoine de l’entrepreneur

Le cadre d’application de la clause d’insaisissabilité n’arrête pas de s’élargir. À l’origine, cette solution portait uniquement sur le logement principal de l’entrepreneur individuel. Elle s’est ensuite élargie au profit de tout bien foncier avec ou sans construction et qui ne soit pas d’affectation professionnelle.

Il convient de préciser que le champ de l’acte d’insaisissabilité est toujours restreint aux droits immobiliers. Les créanciers professionnels peuvent toujours saisir les parts de la Société Civile Immobilière qui permettent à l’entrepreneur individuel de conserver son logement principal.

Cette position par rapport à l’acte d’insaisissabilité a toutefois été nuancée par quelques développements dans la législation française. En effet, l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel était initialement possible à travers une déclaration d’insaisissabilité. Dans le contexte actuel, cette insaisissabilité intervient de plein droit sans requérir une quelconque déclaration.

Cette insaisissabilité de droit du logement principal de l’entrepreneur individuel est surtout l’œuvre de la Loi Macron du 6 août 2015 qui est entrée en vigueur à partir du 8 août de la même année. Il convient néanmoins de préciser que cette insaisissabilité de droit n’intervient que si la créance revêt une nature professionnelle. Le cas échéant, la saisie pourra toujours avoir lieu.

Il se peut que l’affectation de l’immeuble considéré comme étant le logement principal soit mixte. C’est notamment le cas lorsque l’activité de l’entrepreneur individuel est exercée à domicile. Dans ce cas de figure, la partie qui n’est pas d’assignation professionnelle sera aussi insaisissable de plein droit.

Dans cette même optique, il n’y aura pas lieu de déclarer préalablement le bien en question ou de faire un état descriptif de division. En outre, la clause d’insaisissabilité porte aussi sur le prix de vente du logement principal. Cela, si les sommes obtenues sont réutilisées pour acheter un nouveau logement sur un délai d’un an.

Un domaine de premier plan pour le notaire

En termes de clause d’insaisissabilité, le notaire occupe une fonction de première importance. Celui-ci doit impérativement recevoir la déclaration, sous peine de nullité. L’exigence de publication de la déclaration d’insaisissabilité explique d’ailleurs le fait de recourir à un notaire et la création par acte authentique. L’opposabilité de l’insaisissabilité des biens de l’entrepreneur à la saisie des créanciers professionnels intervient à la date de publication de l’acte d’insaisissabilité.

Le rôle du notaire dépasse néanmoins ce seul aspect. Celui-ci a une fonction de conseil pour l’entreprise individuelle. Il doit généralement lui fournir toutes les informations utiles à l’établissement d’une déclaration d’insaisissabilité, et notamment, des modalités de coûts qui entourent un tel processus.

Intérêt de la clause de biens insaisissables pour des procédures judiciaires

Clause d’insaisissabilité - loi

Il se peut que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou une procédure collective d’apurement du passif intervienne après la publication d’une déclaration d’insaisissabilité. Dans ce cas de figure, le liquidateur judiciaire ne pourra pas vendre l’immeuble visé puisque ce dernier sera sous le coup d’une insaisissabilité.

Les créances nées postérieurement à la publication de l’acte d’insaisissabilité ne pourront pas aboutir par rapport aux actions des créanciers professionnels. La clause retire le bien visé du gage établi collectivement par les créanciers. Cette affirmation a toujours lieu d’être même si certains créanciers peuvent ne pas se voir opposer cette déclaration.

Mais la déclaration d’insaisissabilité comporte des limites. Cela inclut l’impossibilité de l’opposer à l’administration fiscale quand cela concerne des manœuvres frauduleuses à l’égard de la personne visée. Cela s’applique également dans le cas d’un manquement sérieux et récurrent à des obligations fiscales.

La loi Macron du 6 août 2015 a amené deux modifications importantes sur les impacts de la déclaration d’insaisissabilité pour le contexte personnel de l’entrepreneur individuel. La première est que le principe de sauvegarde des effets de l’insaisissabilité est maintenu dans l’éventualité d’une dissolution du régime matrimonial. Cela, quand le bien est attribué à l’entrepreneur. Cette démarche concerne aussi bien le logement principal que les biens fonciers visés par une déclaration d’insaisissabilité.

La deuxième est que l’insaisissabilité demeure effective après la mort du déclarant, et ce, jusqu’à ce que sa succession ait été liquidée. C’est un changement majeur par rapport à l’approche que la loi française avait jusqu’alors adoptée en la matière. En effet, l’ancien principe était que le décès révoque la déclaration d’insaisissabilité. Cela constituait toutefois une démarche aux conséquences désastreuses pour les successeurs, ce qui justifie un tel changement.

Comment se faire constituer une clause de biens insaisissables ?

La composition d’une déclaration d’insaisissabilité appelle aux compétences d’un notaire, autant pour la rédaction que pour les formalités de publication. Autrement, la déclaration sera frappée de nullité. La clause doit comporter une description en détail des biens qu’elle entend protéger. Elle doit aussi faire mention des biens propres, communs et indivis de la personne concernée.

La publication de l’acte d’insaisissabilité s’effectue au Fichier immobilier. La clause devra être indiquée au registre de publicité légale où la personne concernée a son immatriculation. Cette indication peut aussi se réaliser auprès d’un journal d’annonces légales dans le cas où la personne ne se trouve pas dans l’obligation de s’immatriculer auprès d’un tel registre.

Il est à noter que la déclaration d’insaisissabilité ne bénéficie pas seulement à un entrepreneur individuel. La législation française énonce notamment toute une foule de personnes pour lesquelles cette clause aurait lieu de s’appliquer :

  • Un simple individu sans immatriculation dans un registre de publicité légale de nature professionnelle comme le registre du commerce et des sociétés.
  • Un individu lambda qui est professionnellement actif dans le domaine de l’agriculture ou du secteur indépendant.
  • Des commerçants
  • Des professionnels de la filière artisanale
  • Des professions libérales
  • Des agriculteurs

Possibilité de renoncer aux effets d’une clause de biens insaisissables

De prime abord, il peut sembler assez incongru qu’une personne donnée veuille volontairement renoncer à rendre certains de ses biens insaisissables. Il s’agit pourtant d’une pratique tout à fait légitime, notamment lorsque vous cherchez à obtenir un prêt professionnel. Les banques exigent des garanties pour la fourniture de ce type de prêt, et cela se porte généralement sur des biens fonciers.

Il est d’ailleurs possible de céder une résidence principale à titre de garantie pour obtenir un prêt professionnel. Cette forme de garantie se retrouve également dans le domaine du bail commercial. La cession peut porter sur un bien foncier avec ou sans construction à condition qu’il ne soit pas affecté à des activités professionnelles.

Les services d’un notaire sont également requis pour la mise en œuvre d’une renonciation à une déclaration d’insaisissabilité, sous peine de nullité. La personne concernée peut la réaliser partiellement ou en totalité sur les biens de son patrimoine. Elle peut également être réalisée au bénéfice d’un ou plusieurs créanciers.

Chaque créancier devra être mentionné dans l’acte de renonciation. Cet acte peut également faire l’objet d’une révocation par la personne qui l’a demandée. Une fois encore, cela fait appel aux compétences d’un notaire.

Au regard du concept même des droits humains, une personne a le droit d’avoir un logement. C’est notamment pour préserver ce droit que la clause d’insaisissabilité a été initialement établie. Ce dispositif légal a néanmoins évolué avec le temps pour s’appliquer à d’autres types de biens fonciers. Elle a également progressé en faveur d’autres statuts en plus de celui de l’entrepreneur individuel.