Pour une raison ou une autre vous envisagez de créer votre propre entreprise. Cependant vous avez déjà un contrat à durée indéterminée (CDI) dans une autre société, et vous souhaitez le conserver. Est-il possible d’avoir sa propre boîte lorsqu’on est déjà salarié dans une autre ? Et mieux encore, peut-on avoir sa propre société tout en conservant son CDI avec une autre ? Tout ceci est bien possible, mais obéit à un certain nombre de règles.
Créer une entreprise lorsqu’on est salarié : c’est tout à fait possible
Créer une entreprise même lorsqu’on est un salarié est possible et même encouragé par certaines dispositions gouvernementales. La procédure est cependant encadrée par certaines restrictions.
D’abord, créer une entreprise lorsqu’on est un salarié est proscrit dans le cas où une clause d’exclusivité ou une clause de non-concurrence est mentionnée dans votre contrat de travail (vous pourrez toutefois en négocier la suspension avec votre employeur). Dans tous les cas, vous êtes soumis à une obligation de loyauté envers votre employeur, ce qui vous oblige à lui communiquer votre volonté de créer une entreprise et à respecter les intérêts de sa société tout le long de votre parcours d’entrepreneur.
N’hésitez pas à demander un congé pour création ou reprise d’entreprise auprès de votre employeur ou un temps partiel.
A peu près deux créations d’entreprise sur dix sont faites par des salariés qui sont en activité au moment de l’immatriculation de leur entreprise, preuve que c’est possible, voire recommandée pour plus de sécurité financière personnelle. De plus créer son entreprise quand on est salarié permet de bénéficier de mesures et d’aides spécifiques, mais cette démarche est aussi encadrée par certaines règles relatives au Code du Travail
Créer sa société lorsqu’on est salarié : des règles précises
Le travailleur en CDI qui le désire peut créer sa propre société tout en conservant son contrat sous certaines conditions. En effet, un salarié a la possibilité de créer sa propre entreprise tant que cette dernière ne concurrence pas l’activité de son employeur. Cette règle se justifie par l’obligation de loyauté et de non concurrence de l’employé vis-à-vis de son employeur. L’activité de son entreprise ne doit donc pas porter préjudice à celle de l’entreprise de son employeur.
Le statut d’auto entrepreneur convient particulièrement aux salariés qui, pour exercer une activité complémentaire à leur métier souhaitent créer une entreprise.
La possibilité de créer son entreprise lorsqu’on est en CDI est favorisée par le fait que le salarié qui le souhaite peut demander un congé ou un temps partiel pour création, et l’exonération de charges sociales.
Avoir un CDI et créer sa société : congé ou temps partiel pour création
Dans le but de se consacrer totalement ou partiellement à la mise en place de son entreprise, le salarié peut demander un congé ou un temps partiel pour le faire.
Le congé pour création
Le salarié qui souhaite avoir un congé pour créer sa société doit le faire savoir à son employeur pour que celui-ci lui en donne la permission. Une fois en congé, le salarié peut s’absenter pour une durée maximale d’un an, renouvelable une seule fois afin de créer sa société ou occuper des fonctions de direction dans une jeune entreprise innovante.
Son contrat de travail est alors suspendu, et le salarié ne perçoit plus de salaire. A la fin du congé, ce dernier à la possibilité de retrouver son poste dans l’entreprise.
Le temps partiel pour création
Le salarié peut aussi demander à son employeur la possibilité de travailler à temps partiel afin de pouvoir se consacrer à la réalisation de son projet. Cela lui permettra de réduire son temps de travail. Il continuera à travailler dans l’entreprise suivant un nouvel emploi du temps et son salaire sera désormais estimé en fonction du nombre d’heures travaillées.
L’exonération de charges sociales
Pendant la première année de son activité, un salarié peut voir sa nouvelle entreprise bénéficier d’une exonération de charges sociales. L’exonération de charges sociales prend en compte :
- Les allocations familiales ;
- L’assurance maladie et maternité ;
- La retraite de base.
Pour bénéficier de ce régime d’exonération, le salarié créateur d’entreprise doit en faire la demande auprès de la structure sociale à laquelle il est rattaché au titre de sa société. Vous devrez néanmoins payer les incontournables CSG-CRDS et les cotisations de retraite complémentaire.
Il doit aussi remplir certaines conditions que sont :
- Avoir effectué au minimum 910 heures de travail en tant que salarié durant les 12 mois précédant la création de son entreprise ;
- Faire un minimum de 455 heures de travail en tant que salarié durant les 12 mois qui suivent la création de son entreprise ;
- Ne pas dépasser le seuil de revenus supérieur à 120% du SMIC.
Par ailleurs, la « double activité » entraîne l’affiliation obligatoire à deux régimes de protection sociale : votre nouveau régime de travailleur non salarié et votre régime salarié qui est le régime général de la Sécurité sociale. Il faut que vous sachiez qu’une fois votre entreprise immatriculée, vous devrez cotiser auprès de ces deux régimes, mais vous serez protégé par le plus favorable le temps du cumul (en général c’est le régime général des salariés).
Situation fiscale
Vos salaires continueront d’être déclarés dans la rubrique des Traitements et Salaires (TS). Les revenus liés à votre nouvelle activité seront déclarés en fonction du statut juridique de votre entreprise et de l’activité qu’elle exerce dans les catégories :
- Bénéfices Industriels ou Commerciaux (BIC)
- Bénéfices Non Commerciaux (BNC)
- Traitements et Salaire (TS)
Formalités
Le temps partiel ou congé pour création d’entreprise est accessible aux employés des sociétés privées ayant au minimum 24 mois, consécutifs ou non, d’ancienneté dans la société ou dans une autre société appartenant au même groupe.
Le salarié qui souhaite avoir un congé ou un temps partiel pour créer son entreprise, doit en informer son employeur au minimum deux mois à l’avance. Il doit le faire par tout moyen conférant date certaine, et certifiant sa volonté de prendre un congé. Depuis le 1er janvier 2017, la lettre recommandée avec accusé de réception ainsi que la remise en main propre ne sont plus impératifs. Cependant, cette possibilité existe toujours avec le courrier électronique par exemple.
Le salarié doit préciser dans sa notification :
- La date souhaitée pour la mise en place du dispositif
- Sa durée
- La réduction désirée du temps de travail en cas de temps partiel
- La nature de l’entreprise créée.
L’employeur peut décider de reporter le congé ou le temps partiel dans une limite de six mois lorsque plusieurs autres salariés bénéficient déjà d’un congé création ou sabbatique. Il peut également le refuser si l’entreprise a moins de 200 employés, si le congé a des conséquences préjudiciables pour l’entreprise, si le projet de création est en concurrence directe avec son entreprise, ou si l’employé ne remplit pas les conditions donnant droit au congé. Il doit notifier sa réponse au salarié dans un délai de 30 jours.
Votre CDI contient-il une clause d’exclusivité ?
Tout d’abord, il faut que vous sachiez que si vous êtes un professionnel rattaché à un Ordre tel que l’ordre des avocats ou des notaires, ou alors si vous êtes fonctionnaire, la création d’entreprise et la « double activité » qui en résulte vous sont formellement interdites.
La clause d’exclusivité dans un contrat de travail est une clause vous interdisant d’exercer une autre activité professionnelle, salariée ou indépendante, pendant toute la durée d’exécution de votre contrat de travail.
Commencez par vérifier auprès d’un avocat spécialisé que la clause d’exclusivité est bien valable. En effet une telle clause doit être indispensable à la préservation des intérêts légitimes de l’entreprise et il faut qu’elle soit aussi justifiée par la nature de vos fonctions. Donc si votre poste ou vos fonctions ne sont pas vitales ou d’une importance capitale à l’entreprise, la clause d’exclusivité pourrait ne pas être valable.
Sachez ensuite que la clause d’exclusivité ne pourra pas vous être opposée par votre employeur durant la première année de la création ou de la reprise de votre entreprise.
Cette mesure d’inopposabilité s’applique également au salarié bénéficiant d’un congé ou d’un temps partiel pour création d’entreprise. Dans ce cas, elle est valable jusqu’au terme du congé ou du temps partiel, soit 2 années maximum en cas de renouvellement de la période de disponibilité.
La clause de non-concurrence
Lorsqu’une clause de non-concurrence est mentionnée dans un contrat de travail, elle interdit à l’ancien salarié d’exercer une activité concurrente à celle de son employeur après son départ de l’entreprise.
La clause de non-concurrence est limitée dans l’espace et dans le temps et concerne une activité, salariée ou non, qui porterait préjudice aux intérêts de l’entreprise (vous pouvez par exemple créer une entreprise de maintenance informatique alors que vous étiez salarié d’un restaurant, malgré la présence d’une clause de non-concurrence dans votre contrat de travail).
La clause de non concurrence ne pourra faire effet qu’après la rupture de votre contrat de travail.
Concurrence déloyale et obligation de loyauté
En tant que salarié-entrepreneur, même en l’absence de clause, vous serez tenus par une obligation de loyauté envers votre employeur, autrement dit, vous devrez exécuter votre contrat de travail en toute bonne foi et ne pas nuire à l’activité de l’entreprise de votre employeur (détournement de clientèle, dénigrement des produits, proposer des services de l’employeur, travail sur la création de votre entreprise ou vente de vos propres produits/services pendant les heures salariées…). Tout manquement à cette obligation tacite pourra être considéré comme une faute professionnelle par votre employeur.
La première démarche loyale est d’ailleurs de prévenir votre employeur de votre volonté de créer votre entreprise.
Le congé sabbatique
Si vous ne souhaitez pas divulguer à votre employeur la nature de l’activité de votre future entreprise, vous pouvez envisager de prendre un congé sabbatique.
Il est évidemment moins souple que le congé création, mais ce dispositif vous permet néanmoins également de préparer et/ou de lancer un projet de création ou de reprise d’entreprise.
Mais il y a certaines conditions à remplir pour bénéficier d’un congé sabbatique. Il faut entre autres :
- Avoir, dans l’entreprise ou toute autre entreprise du même groupe, une ancienneté minimale de 36 mois consécutifs ou non ;
- Justifier d’une activité professionnelle de 6 années au minimum
- Et ne pas avoir obtenu au cours des six dernières années de congé création, de congé formation de 6 mois au moins ou de congé sabbatique.
La création d’une entreprise demande souvent beaucoup de temps : avec la rédaction des statuts, le capital à lever et à déposer, les rendez-vous avec les professionnels du droit et de la comptabilité pour mieux cerner les enjeux d’une création de société ou encore les formalités administratives, sans oublier tout le stress lié à cette création, il est préférable de se donner du temps afin d’éviter les erreurs de parcours.
Quelques conseils pour monter sa propre boîte lorsqu’on est en CDI
Se lancer dans sa propre entreprise lorsqu’on on a déjà un boulot n’est pas chose facile. Et pourtant, ce n’est pas forcément une mauvaise idée que de chercher à rester au chaud pendant les premiers temps de son projet… Finalement, il faut prendre tout un tas de précaution avant de déclencher le compte à rebours et de quitter son job, puisqu’il sera moins évident de conserver votre boulot si votre propre entreprise prend de l’ampleur.
Voici donc quelques conseils si vous décidez de vous lancer dans l’aventure.
- Faites preuve de volonté : créer son entreprise est dur ; ceci l’est encore plus quand vous avez déjà un emploi puisqu’il faudra être sur deux fronts.
- Organisez votre travail : il vous faudra bien organiser votre emploi du temps pour bien gérer ces deux fronts.
- Parlez-en autour de vous : certaines personnes de votre entourage pourraient avoir de bonnes idées dont vous pourriez vous servir.
- Produisez quelque chose de concret : vous avez quelques mois devant vous. soyez objectif et construisez quelque chose de tangible.
- Ne vous mettez pas en situation de conflit avec votre employeur : profiter de votre poste pour récupérer des données confidentielles ou détourner la clientèle de votre employeur est une très mauvaise idée.
- Sachez tirer votre révérence : bien entendu vous reviendrez en poste après la création de votre entreprise mais le moment viendra où il faudra bien partir. Soyez pragmatique.
- Rassurez votre entourage : quitter son emploi est une décision très importante qui pourrait effrayer non seulement votre conjoint, mais aussi vos enfants.