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Créer son entreprise

L’EIRL ou Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée

By août 9th, 2017No Comments14 min de lecture

Jusqu’en 2010, une personne souhaitant devenir entrepreneur sans créer de société, pouvait créer une entreprise individuelle. Principal inconvénient de cette forme juridique : ses biens propres étaient engagés en cas de défaillance. Depuis 2011, une réforme du Code du commerce a créé une nouvelle forme juridique, celle d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée ou EIRL. Désormais, il est possible de distinguer le patrimoine personnel du patrimoine professionnel. Mais cela suffit-il pour considérer l’EIRL comme la forme idéale pour l’entrepreneur individuel ?

Améliorations apportées par l’EIRL

L’EIRL apporte de nombreuses avancées par rapports aux autres formes juridiques d’entreprises, qui ne se limitent pas à la protection du patrimoine. En voici les principales :

Des biens personnels protégés

Par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, « Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ». C’est la principale avancée de la forme d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée : les biens personnels de l’entrepreneur, et éventuellement ceux de son conjoint, ne sont plus engagés comme dans la simple Entreprise individuelle. Pour en bénéficier, il faudra désigner les biens matériels et immatériels nécessaires à l’activité de l’entrepreneur par une « déclaration d’affectation du patrimoine » à déposer au CFE (Centre de Formalités des Entreprises).

Une création presque gratuite

Contrairement à la création d’une société, l’EIRL coûte très peu cher à la création. Ici, pas de frais de publicité dans un journal d’annonces légales, il faudra simplement s’acquitter des frais de greffe et de TVA, qui reviennent tout compris à un peu plus de 53 €. Pour comparaison, le coût de création d’une EURL peut osciller entre 300 € hors taxes et 1900 € HT. La différence est donc considérable, ce qui explique que la majorité des entreprises  créées en France soient des entreprises individuelles.

Une fermeture gratuite

Au cas où l’expérience entrepreneuriale ne porte pas ses fruits et que l’entrepreneur souhaite y mettre fin, le coût de fermeture de l’EIRL est nul, ce qui marque aussi une nette différence avec le cas des SASU et autres SARL, où les coûts de fermeture peuvent être élevés. Entre les frais de greffe, la parution d’une annonce légale, le coût d’enregistrement aux impôts, le coût de fermeture d’une société classique peut avoisiner les 1000 € ! La création d’une société implique donc de s’interroger davantage que la création d’une EIRL.

Liberté de décision

Un des principes de l’EIRL est de ne comprendre qu’un seul et unique associé, l’entrepreneur lui-même. Il n’a de comptes à rendre qu’à lui-même puisqu’il est le seul associé, et il n’est donc pas nécessaire de tenir une assemblée générale annuelle, ni de consigner les décisions prises dans un registre.

Une imposition au choix

Alors qu’avec l’Entreprise individuelle, l’entrepreneur est soumis à l’Impôt sur le revenu, l’EIRL permet de choisir entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. L’avantage d’opter pour l’impôt sur les sociétés est de ne s’acquitter des cotisations sociales que sur les rémunérations réelles. De plus, les bénéfices réinvestis sont exclus du calcul des cotisations sociales. Dans le cas d’une Entreprise individuelle, l’entrepreneur doit s’acquitter de charges sociales sur tout son bénéfice.

Le cumul EIRL / statut d’auto-entrepreneur = AERL

Autre avantage de la forme d’Entrepreneur individuel à responsabilité limitée : la possibilité de concilier ce statut avec celui d’auto-entrepreneur. L’auto-entrepreneur relevant de l’entreprise individuelle, il en partage l’inconvénient principal, à savoir l’exposition de son patrimoine à la saisie en cas de défaillance. Le fait d’opter pour l’AERL (Auto Entrepreneur à Responsabilité Limitée) permet à l’auto-entrepreneur de mettre à l’abri son patrimoine (moyennant une déclaration d’affectation du patrimoine), tout en conservant les avantages inhérents au statut d’auto-entrepreneur, notamment le fait de ne payer de charges que si un chiffre d’affaires est dégagé.

La possibilité de passer de l’Entreprise individuelle à l’EIRL

La loi du 15 juin 2010 portant sur la création de la forme juridique d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée a prévu la possibilité, pour les entrepreneurs ayant déjà opté pour l’entreprise individuelle, d’effectuer une mutation vers une EIRL et de bénéficier de ses avantages. Ce n’est pas une mesure superficielle, puisqu’avec 1,4 millions d’entreprises individuelles en France, de nombreux entrepreneurs vont pouvoir sauter le pas. Là encore, il faudra se soumettre notamment au dépôt de la déclaration d’affectation du patrimoine.

L’EIRL : un statut parfois contraignant

Les nombreux avantages que présente l’EIRL sont réels, mais s’accompagnent dans certains cas de contraintes fortes, susceptibles de les contrebalancer.

Créer un compte bancaire professionnel

Cela peut sembler évident, mais la création d’un compte bancaire professionnel est primordiale dans la constitution d’une EIRL. Le fait d’utiliser un compte bancaire personnel pour son activité d’EIRL remet en cause la distinction entre biens personnels et professionnels et c’est donc la responsabilité limitée dans son entièreté qui pourra être remise en question.

Bien délimiter les biens personnels et professionnels

Ce qui est l’atout principal offert par l’EIRL, la capacité de protéger son patrimoine personnel en ne déclarant que le patrimoine nécessaire à l’activité qui est poursuivie, peut paradoxalement se retourner contre l’entrepreneur. En effet, une déclaration d’affectation qui exclurait des biens pourtant utilisés dans le cadre de l’entreprise, pourrait faire perdre à l’entrepreneur le bénéfice de sa responsabilité limitée ! Dès lors, ce serait tout le patrimoine de l’entrepreneur qui pourrait être engagé, annihilant par là le bénéfice principal de l’option pour une EIRL.

En cas de doute : intégrer certains biens personnels

Un autre écueil que pourrait commettre l’entrepreneur au moment d’établir sa déclaration d’affectation, serait d’exclure de cette dernière les biens utiles à son activité mais non nécessaires à celle-ci. Or là encore, il risque de perdre le bénéfice de sa responsabilité limitée si la justice devait être en désaccord avec ses choix. Il est donc recommandé d’intégrer dans sa déclaration d’affectation du patrimoine les biens qui sont utiles à l’activité professionnelle, sans forcément être nécessaires. Paradoxalement, pour l’entrepreneur, cela impose de prendre le risque d’intégrer trop largement des biens personnels de peur de perdre le bénéfice de la responsabilité limitée.

Bien évaluer ses biens

Une fois la distinction entre biens personnels et professionnels établie solidement, il reste à évaluer les biens inclus dans la déclaration d’affectation. C’est à l’entrepreneur lui-même que revient cette tâche d’évaluation, mais elle n’est pas sans risques. En effet, dans le cas d’une mauvaise évaluation de sa part, sa responsabilité sera engagée sur la différence entre son évaluation et la valeur réelle des biens. Pour les biens d’une valeur excédant 30000 €, un expert devra être sollicité (expert-comptable, commissaire aux comptes, etc.). Pour un bien immobilier, l’entrepreneur devra faire appel à un notaire.

Des règles comptables à respecter

Si l’entreprise individuelle impose de tenir des comptes annuels, il n’y a aucune obligation de les déposer. Cette règle ne s’applique pas à l’EIRL. L’entrepreneur doit non seulement établir des comptes sociaux annuels, mais aussi en faire le dépôt dans les six mois suivant la date de clôture de l’exercice (soit au greffe du tribunal, soit au registre du commerce et des sociétés, soit au répertoire des métiers). Enfin, lorsque les biens inclus dans la déclaration d’affectation perdent de la valeur au fil du temps, il y a lieu de le déclarer chaque année au bilan, puisque le montant de la garantie sur laquelle se basent d’éventuels créanciers diminue.

Absence de transparence de l’EIRL

A l’heure où beaucoup d’entreprises font le choix de ne pas publier leurs comptes, l’obligation de publier les comptes de l’EIRL induit nécessairement une absence de transparence sur la situation de l’entreprise, pouvant donner du grain à moudre à la concurrence, ou même à décourager de potentiels clients au vu de la situation financière de l’entreprise.

Des coûts cachés

On l’a vu, la déclaration d’affectation du patrimoine, pour être valide, impose de respecter un certain nombre de règles relativement contraignantes. Pour s’y conformer, l’entrepreneur devra parfois mettre la main à la poche. Que ce soit pour l’évaluation des biens par un expert ou pour l’intervention d’un notaire dans le cas d’un bien immobilier, toutes ces opérations ont un coût qui peut devenir non négligeable si de nombreux biens de valeur sont concernés. De plus, le respect des règles comptables pourrait imposer également de se faire aider par un expert-comptable. La quasi gratuité de création d’une EIRL n’est pas valable dans tous les cas.

Responsabilité limitée = capacité d’emprunt limitée ?

En toute logique, le fait de pouvoir protéger une partie de son patrimoine consiste à réduire les contreparties en cas de défaillance. Mais cela peut constituer un frein pour l’entrepreneur si celui-ci souhaite solliciter un emprunt bancaire, lequel implique par nature une contrepartie. Le risque principal pour le dirigeant d’une EIRL est de devoir engager sa caution personnelle afin d’obtenir un prêt de sa banque, si le patrimoine affecté à l’entreprise est trop faible. Même si cette problématique se pose aussi pour les sociétés en difficulté financière, dans le cas de l’EIRL, celle-ci risque de se poser régulièrement et de constituer un frein à son développement.

Absence de partenaires financiers

Si le fait de prendre seul ses décisions peut constituer un véritable atout pour l’EIRL, le revers de la médaille est l’impossibilité d’associer d’autres personnes susceptibles de participer financièrement au développement de l’entreprise. Combiné aux difficultés potentielles à obtenir un prêt bancaire sans engager sa caution personnelle, ce fait illustre une fois de plus la difficulté pour l’EIRL à trouver des financements autres que ceux apportés par l’entrepreneur seul. Ici, l’EIRL apparaît clairement comme une aventure qui se vit essentiellement en solitaire.

L’EIRL : une forme juridique qui enferme ?

Face à la volonté de se développer, un entrepreneur peut vouloir muter son EIRL vers un statut de société plus classique. Muter d’une forme de société vers une autre est généralement relativement simple et peu coûteux. Malheureusement, dans le cas d’une EIRL, cette mutation impose de remplir les démarches de création d’une société depuis le début, ce qui implique des contraintes administratives et un coût non négligeable, mais aussi d’être imposé sur les plus-values et les moins-values professionnelles. A moins que la situation de l’entreprise change radicalement dans le temps, il semble plus judicieux de choisir entre EIRL et société (SARL, SASU, etc.) dès la création de l’entreprise pour éviter des coûts inutiles.

Dans quels cas opter pour une EIRL ?

La forme d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée présente incontestablement des avantages importants, et au premier titre desquels la possibilité de protéger ses biens personnels. Cependant, de nombreux désavantages viennent minorer l’intérêt de l’EIRL. Tout entrepreneur n’a donc pas nécessairement intérêt à créer une EIRL. Dans quels cas est-il avantageux d’opter pour une EIRL ? Voici quelques exemples :

En cas de patrimoine personnel conséquent

L’EIRL est un bon choix pour un entrepreneur qui souhaite créer son entreprise sans risquer de perdre un patrimoine personnel conséquent. Il est important aussi de tenir compte des risques auxquels sont exposés les conjoints, selon le statut juridique matrimonial. L’EIRL protège non seulement le patrimoine de l’entrepreneur lui-même, mais potentiellement celui de sa famille.

Dans le cas d’une activité commerciale

Une activité de services requiert généralement moins de dépenses en stock et en matériel susceptibles de conduire à de l’endettement .En revanche, une activité commerciale demande un certain nombre de dépenses pour fonctionner, avec parfois à la clé un endettement. Si l’entrepreneur est par ailleurs doté d’un patrimoine important, l’EIRL peut se justifier pour le protéger des aléas de son activité.

En cas de bénéfice après salaires inférieur à 38120 €

Afin de bénéficier du taux réduit de 15% de l’impôt sur les sociétés, le bénéfice ne doit pas excéder 38120 € par exercice comptable de 12 mois. Ici encore, le choix de l’EIRL se justifie pour une entreprise de taille relativement modeste.

En cas de capacité d’auto financement important

L’entrepreneur à la tête d’une EIRL nécessitant un financement pour son activité risque de ne pas pouvoir obtenir de prêt sauf à engager sa caution personnelle. Or, le principal intérêt de l’EIRL est justement de mettre à l’abri ses biens propres. L’EIRL est un choix intéressant si l’entreprise parvient à dégager une capacité de financement suffisante par son activité, ou si l’entrepreneur finance l’entreprise par ses fonds propres. La séparation entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel est respectée.